Pièce après pièce, « Fine art » for Issue(s)
La scène se déroule dans une spacieuse cahute tout de béton vêtue, perdue en pleine campagne. Pouziou-La-Jarrie : 367 habitants pour son double de désespérance en barre ; là où se croisent sans jamais s’y mêler des existences des plus fastes et vertueuses.
Orientée plein sud celle-là même où se place de notre verrière notre participant à cette trame sans commune mesure (notre héros !) ; debout, le cœur saillant, l’esprit « aux quatre vents », ses épis en direction de cette foultitude de constrictions primairement polies, sagement placées, répertoriées, indexées .
Cycliquement cette « abondance structuraliste » devient le désordre le plus précieux qui soit.
Que l’on s’entende bien, ce jeune homme accoudé à notre balconnet fictif, en deçà du plus bel horizon dégagé de sa vue perçante, se fait le reflet de plus d’entre nous.
Béat, perplexe. Au devant de cette femme d’un minois des plus enchanteurs, d’une allure évocatrice, le bruit ambiant paradoxalement berçant. Venu dîner avec des amis ce soir là, l’axiome mémoire se déclenche alors. Toute agitation ne semblant pouvoir le perturber, il est dans le doute, ne dis rien, le regard hagard, la pensée absorbée par « on ne sait quoi ». Caucase à ses pieds. « Ma mère m’avait dit Pégase, l’amour ce n’est que du gaz »
Eloigné, détaché de tout sauf de son regard.
Altérant sa conscience ; l’intelligibilité, l’attention nécessaire pour se faire le destinataire du message lancé maintes et maintes fois par ce fantôme séducteur ; au demeurant sans réponse :
« Un café pour terminer le repas ? »
[…] Il se lance alors dans une construction des plus abstraites qu’il soit ; ou que d’aucun ne voudrait qu’elle soit. Il s’agite dans cette « déconstruction par anticipation ». Ce qui le meut jour après jour, lui, ce joyau si précieux (individu « témoin », mais classieux) de nos communautés sociologiques de « l’anticipation pour la compréhension » ; ou cet anti-témoin d’y porter toute attention à ce dessein ; pour s’en défaire de l’ intérieur.
L’anticipation, la projection (NDLR : cet horizon dégagé de notre verrière) le pourrit.
Il crie famine de cette quotidienneté assumée (mais non revendiquée) ; dans ses élans de morosité.
« Travail, famille, patrie » Ou de bâtir son rêve d’argent, que chaque « monument » se fasse pierre après pierre. Il s’en défend ! Il n’a rien de tout ça ; « utilité sociale », socle affectif familial par antériorité (ses parents, frères, sœurs, etc), par « postérité » (femme, enfants, …), son 1000, 2000, 3000 net chaque mois (par simple opportunisme), ses « quatre murs et son toit autour », les cris, pleurs de sa descendance et de « l’autre » dont ils sont issus ; tout comme ses chiens, ses chats (on ne connaît pas leur provenance exacte) qui se débattent joyeusement dans cette cour et ce bout de gazon fraîchement coupé. Il ne porte rien de tout ça en lui.
Et tout cet alcool. Ces whiskys, ce(s) kir(s) (à vrai dire il ne s’en souvient plus vraiment) ; ces vins blancs, rouges, bleus,etc On en oublie les couleurs à fixer les mires.
Nabil n’est pas cet homme ; Nabil n’est pas l’homme de cette femme qui se tient devant lui, une tasse à la main, clope au bec. Elle s’occupe parfaitement de ses invités. Elle et son mari.
Ses convives vivent en campagne, ils préfèrent la campagne. Pour se détacher du bruit, du stress et de la doxa de la très proche agglomération (ou considérée comme telle). Où se concentrent activités sociales, utiles, révélatrices, épanouissantes (ou l’inverse pour d’autres ; par force ou faiblesse d’esprit de s’y accommoder ou de s’en défaire).
Bref la ville, la grosse (dans le contexte). Et tout ça ; ces 110m2 de surface habitacle (4m2 pour notre verrière à fonction de loggia ; elle aussi s’acclimate de ce que l’on lui donne), ces quelques hectares de terrain ou s’éparpillent les déjections de leurs chers et tendres compagnons de « domestication infortune » (et cette obsession de la hauteur raisonnable du gazon, de l’entrelacement parfait de cette linéarité de végétaux pour le contenir ; et d’autres menus détails d’une vie propre, soignée, rangée)
Toute cette projection. De ces idéaux pour s’éloigner du bas… porteurs mais inatteignables. Alors de cette composition, de cet arrangement avec soi même, de droite, de gauche et même du milieu (le discours politique dans sa caractérisation la plus frappante ; non dissocié du pouvoir) Nabil ne l’a jamais admise.
Compromis parfois à retoucher terre en s’immergeant dans ce monde implacablement et froidement matériel ; dans la production, le renie de soi (de par cette acceptation inopinée mais forcée, l’individu s’oublie). Compromis car perdu, incompris, seul, étriqué. Et sa « vision » de même.
Pour autant rien ne le distingue vraiment de sa compagnie.
Seulement de cet « opportunisme » orienté, lui s’enfonce dans son fatalisme aigri.
Il ne voit pas bien les choses.
Et encore moins dans ce nuage de fumée, dans cet « étang alcoolisé » qu’il a ingurgité au cours de la soirée ; et où il s’y noie. Du moins les membres inférieurs ; les autres (ceux du haut) sont occupés à donner ripaille à ses imperfections de l’esprit. Desquelles d’ailleurs ? Desquelles parle t’on ? De quoi au juste ?
S’agissant d’un repas entre adultes raisonnés, matures, responsables, « immergés dans la vie » (ou la tête sous le flot du haut) l’auteur devrait plutôt nous parler du menu !
Plutôt que de se plaire, lignes après lignes, de ne pouvoir nous livrer incohérences et distorsions incompréhensibles, à perdre tout éventuel lecteur à la seconde…
Ce texte n’est qu’un puzzle, le désir avoué, si irrésistible, d’y loger une prose à chaque souffrance (telle une effigie posthume ?). Laquelle est-elle dans ce cas ? Que ce jeu de puzzle se termine et que nous puissions tous reprendre nos places habituelles !
Moment de folie…
« Cessez votre gentillesse ! Elle me tue ! Me plonge dans des affreux délires paranoïaques ! Pourquoi ! Pourquoi me relancer dans cette sphère si dévastatrice sous prétexte de m’en délivrer ! Vous m’y enfermez ! Je ne veux plus de cette gentillesse ; de vos actes par compassion ! Et de ça et de vos « laissez-aller » pour un/votre laissé pour compte ! »
[…]
Nabil se sent mal. D’avoir trop bu, fumé, feinté d’être bien pendant toute cette foutue soirée.
Sa désespérance le rattrape. Au cours de cette soirée telle un rituel entre amis de « bonne situation » ; chacun marié (ou presque) ; chacun avec des enfants (ou presque) ; chacun portant l’espoir d’être un jour « tout ça ».
Il se dirige vers cette verrière, hagard, titubant, avec des relans de la dernière Vodka/Tagada.
Il veut s’éloigner de tout ça. De ce qu’il rejette tant (cette consensualité, ces apparences, ce bien-être affiché) mais qu’il côtoie.
Il fut de ceux là. Du moins avant demain.
Pour lui le regard flou sur cet horizon au travers de la vitre crasseuse, cela ne lui appartient plus.
Il va s’en libérer. Au moins une fois, essayer.
Au moins une fois au creux de la commissure droite ses lèvres se réhaussent ; pour esquisser un air béat, enjoleur.
Un bras se pose sur son épaule et l’invite à se tourner ; son interlocutrice : une femme. Cette femme. Apprêtée, « consensuelle », ouverte, gentille, attentionnée, certainement la femme de notre convive ; celui chez qui ce soir nous nous sommes (vu) invités.
La « femme » est au centre de ses pensées les plus inabouties et divagantes du moment.
Il voit le monde comme ce grand tout de séduction, de faux semblant, de légèreté, émanent de la féminité, que l’on veut comme pour cacher cette évidence - au-delà du barbarisme masculin (capitalisme ? libéralisme ?) - constituant majoritaire de notre ère moderne.
Alors Nabil ne sait pas s’il en veut du café à la fin de son repas ; il s’en contrefout !
Demain il plaque tout ! Il s’exclura de tout. Parce qu’exclu au fond de lui de tous ces/ses autres, il le crie.
Il fond en larmes. Demain il aura tout oublié… pas même déçu (péter une pile ça arrive !) ni surpris ses proches le ramèneront à la raison et l’empliront de cette « compassion individuelle » (pour ne pas trop dévaloriser son ego ? S’en sentir flatté ?) ; pour le maintenir dans le « moule » ; qui craquelle tant, pour Nabil, son convive, sa femme, ses enfants, ses chiens, ses chats, son gazon, ses haies, sa bagnole, sa route départementale, son carrefour, son feu, son badge, son bureau, son patron, ses employés, …
Un jour Nabil gagnera au Loto, ou s’en persuadera. Lui aussi. Comme les autres. Sa femme, son travail, sa collection de dés, qu’importe ! Où peut être pas…
Nabil a pris un café. Et d’ailleurs il ne sait plus trop pourquoi. Au lieu de rentrer chez lui comme tous les autres, il a dormi « sur place » après s’être emporté.
12h15. Pause déjeuner. Il se demande ce qu’il fout là. Au travail.
Encore… Et il rêve… encore. De cet idéal jamais atteint qui le portera à « acter » et « senser » sa vie comme il le désire au plus profond de soi.
Qu’il puisse se donner, entier, véritable, envahissant, excessif ; de tous ses/ces travers ; pour un seul regard. Pour ce seul regard qu’il donnerait lui-même ; celui de n’être que ça et de pouvoir le partager.
Aujourd’hui il partagera son dessert contre du brie.
Au sein de cette cantine industrielle, la réalité le rattrape ; une fois de plus.
Mais où est donc cette pièce manquante !